Des balèzes à moto luttent contre le harcèlement et les abus d’enfants
Crédit Photo: YVAIN GENEVAY/TAMEDIA
Ils font usage de leur look de mauvais garçons à grosses cylindrées pour désamorcer les violences. Les Templiers post tenebra lux accompagnent les victimes de violences, que cela soit de façon spectaculaire à leur école, ou dans l’intimité de drames familiaux.
Gilets en cuir marqués d’un écusson à l’imagerie médiévale, bottes de moto, blue-jeans et, surtout, quelques grosses Harley-Davidson… On entendrait presque «Back in Black» d’AC/DC en fond sonore. Le 11 mars dernier, une dizaine de balèzes ont mis leur image de motard au service d’une cause.
Une Valaisanne de 12 ans, en surpoids et malvoyante, n’en pouvait plus des quolibets dans le bus qu’elle empruntait de chez elle à son école. Escortée par deux membres des Templiers post tenebra lux, suivie par une dizaine de bécanes rugissantes, la jeune fille a retourné la honte contre ses harceleurs.
«On défend les enfants contre tous les types d’abus, qu’ils soient physiques ou moraux», explique celui qu’on appelle POC. Pierre-Olivier Christen, de son vrai nom, n’a rien d’un marginal. Ce pisciniste dans le canton de Genève a déjà plusieurs années d’expérience dans la lutte contre la maltraitance, grâce à un autre groupe dont il était membre.
Père de trois enfants, il est le président des Templiers PTL, branche inspirée d’un réseau international, les «Templars against child abuse». Avec lui, Largo, vice-président de l’association, employé de banque et père de deux jeunes «qui ne sont plus des enfants».
Pas des débutants
Les actions spectaculaires, les deux vrais-faux gros bras les connaissent bien. Avec les vingt-cinq membres romands de leur «gang», ils ont accompagné plusieurs jeunes jusque devant la cour de leur école. Une démarche empreinte de clichés motards qui met parfois à mal les établissements: «On est systématiquement confrontés à des tensions avec les directions scolaires», explique POC. Lorsqu’un groupe de bikers débarque, l’impuissance face au harcèlement revient sur le tapis entre l’école et les familles. Quant aux élèves innocents, les deux membres se fient à l’adage «celui qui n’a rien fait n’a pas à avoir peur». À leur arrivée près des préaux, «certains nous demandent si on est des bandits, mais dans l’ensemble, les jeunes sont plutôt curieux».
La démarche ne fait pas réagir directement. La police cantonale vaudoise renvoie à la politique de l’Unité de promotion de la santé et de prévention en milieu scolaire. Cheffe de projet pour cette entité, Jennifer Lugon explique qu’elle ne se prononcera pas directement sur une initiative privée qui «se déroule en dehors du périmètre scolaire».
«Intimidateurs présumés»
Le canton de Vaud dispose bien d’une politique en la matière. Présentée en avril 2021, cette dernière est axée sur la «méthode de la préoccupation partagée». En bref, les «harceleurs» deviennent des «intimidateurs présumés». Les «victimes», des «élèves cibles». La situation se décanterait une fois que les uns et les autres seraient passés par des entretiens individuels.
POC et Largo parlent d’une seule voix. «On n’est pas des justiciers, on est des protecteurs», assurent-ils. Pas question de se substituer à la loi. À chaque intervention spectaculaire, la police et l’école sont averties. Mais en marge des photos et des clichés assumés, les Templiers remplissent une mission bien plus intimiste. Ils interviennent dans le cadre de familles brisées, d’enfants abusés sexuellement ou en détresse. Le système: deux parrains sont nommés pour rencontrer le jeune et sa famille.
Un blouson à mériter
«On va toujours se déplacer avant un parrainage, voir le contexte familial. Certains de nos membres sont des femmes, elles ont plus de facilité à approcher ce type de jeunes», explique POC. Ensuite, les parrains offrent un soutien moral 24h/24 et 7 jours sur 7, et un pull à capuche estampillé Templiers. Durant l’une des actions passée, un motard a par exemple conduit un jeune qui allait visiter son père en prison. Une autre fois, c’était au terrain de foot. «Dans 85% des cas, les abus s’arrêtent dès le lendemain», renchérit POC.
Chez les Templiers, blouson et backpatchs se méritent. L’intégration du groupe est très stricte, expliquent les deux motards. Lettre de motivation, CV, extraits du casier judiciaire, le tout assorti d’une année d’essai… Rien n’est laissé au hasard, rien ne se fait dans la précipitation, afin d’éviter d’intégrer une personne malintentionnée. Bikers et bikeuses sont désormais prêts à prendre la défense d’enfants en Valais, à Morges ou encore Villeneuve. Depuis un post Facebook partagé plus de 600 fois, le téléphone n’arrête pas de sonner.
Par: Joel Espi